Abel Charles Granier, né le 26 aout 1917 au lieu dit Barein près de Medjez el Bab, est décédé à Tunis le 19 septembre 2011.
Avec sa femme Jane Olivès, botaniste, agrégative de sciences, professeur de Sciences naturelles au Lycée d’Alger, rencontrée en 1941, il devait, pendant 65 ans, faire un parcours complexe et complet, allant du métier d’avocat à Alger en 1942-1945 à celui de pasteur de l’Église Réformée Protestante dans les villages de Hte Savoie et de la Drôme de 1949 à 1953.
Puis c’est le retour en Tunisie en 1953 pour se voir confronté à la tragédie de la terre agricole détruite par les hommes.
Ensemble, Jane et Abel Granier ont tâtonné, exploré, expérimenté les moyens de la réhabilitation de ces sols.
Ils devaient créer à fonds propres, sans aucune subvention extérieure, la Ferme Expérimentale de Bordj Tell qui fut, en Tunisie, un modèle des procédés agricoles respectueux de l’environnement.
Ils initièrent la culture pluviale de la luzerne, l’usage du sulla comme fourrage et plante pionnière rénovante, la pratique du couvert végétal intercalaire aux oliviers…
Il fut expert à l’INRAT, une année, pour créer le laboratoire d’Économie rurale et il parcourut les marchés des éleveurs en Tunisie, du Nord au Sud, avec le Minnesota Team, une équipe d’agroéconomistes des USA ; il fut consterné par les dégâts causés par la collectivisation agricole qui conduisit les éleveurs à vendre en urgence en boucherie ou à l’exportation leurs troupeaux d’ovins et de bovins, anéantissant des siècles de sélection naturelle des races tunisiennes.
Il fut ensuite consultant agricole pour des sociétés d’ingénierie en Algérie notamment et fit le tour du monde en 1972/1973, invité par la Mission Ford, s’attardant quelques semaines en Australie dans des fermes pilotes privées.
De 1990 à 2001, Abel et Jane Granier vécurent près de Strasbourg afin de se rapprocher de leurs enfants, mais toujours habité par le souci constant de la Tunisie et de son devenir.
Le retour désormais définitif en Tunisie se fit en 2002, suite à la création de la fondation de l’Association ABEL GRANIER pour la formation à l’Agriculture Environnementale avec un objectif : transmettre.
Pour ceux qui l’approchaient alors dans son grand âge, il était un homme spécial, de son temps et pourtant hors normes. Écoutons-les :
« Nous garderons à jamais, l'image d'un "sage", d'un "livre grand ouvert", d'un puits de savoir qu'une profonde bonté animait. C'est une grande perte surtout dans ce bas et vil monde » nous dit l’un.
« Abel Granier est un rayon de soleil qu’on n’oubliera pas » nous dit un autre.
Ou encore « Ne pleurons pas de l'avoir perdu, réjouissons nous de l'avoir connu. »
Un autre, encore « Quel homme extraordinaire que Dieu m’a permis de rencontrer ! »
Et aussi « Il nous restera de lui, ancrée dans nos esprits, son image de l’infatigable militant pour une agriculture tunisienne respectueuse du sol et différente, Merci à lui pour tous ces formidables enseignements et efforts !
L’agriculture tunisienne perd, en lui un témoin précieux, capable de formuler des solutions de management agricole, valables et intemporelles »
Qui était-il vraiment : c’est bien complexe
Un rationaliste, qui à 15 ans, encore élève du Lycée Carnot à Tunis, est parti à la recherche de Dieu par l’étude de toute la vie des hommes et qui fit un parcours universitaire très diversifié avec un plein succès, dans le but d’acquérir les éléments d’appréciation intellectuelle indispensables pour sa quête ;
un mystique, un homme de foi, qui a vraiment rencontré Dieu et qui est devenu un homme de Dieu au sens profond, biblique du mot ;
un juriste, qui avait obtenu son doctorat en droit de la faculté de Paris repliée à Alger en 1942 sur le mariage en droit comparé, car c’était bien la société humaine des origines à nos jours qu’il voulait comprendre ;
un chercheur passionné de l’histoire des hommes, un analyste attentif et lucide en géopolitique car diplômé de l’École des Sciences Politique de Paris, un linguiste, diplômé de langues anciennes hébreux, arabe, araméen, toujours acharné à rechercher le sens original des mots et à peser leur valeur pour comprendre et se réapproprier d’abord les textes juridiques, même surtout les textes antiques fondateurs de la Bible ;
un expert agricole, pionnier de l’agriculture environnementale en Tunisie de 1953 à 1969 - avant que le mot environnement vienne à la mode -, un homme responsable, responsable de la terre, responsable des hommes, ses contemporains, qui jamais ne se contenta d’un jugement destructeur mais qui toujours initia à l’action :
A un voisin agriculteur qui se résignait devant une catastrophe naturelle « c’est l’affaire de Dieu », Abel Granier répliquait « l’affaire de Dieu, c’est de t’avoir donné une tête avec un cerveau pensant. C’est le moment de t’en servir ! »
un « voyant » qui était visité par la vision de l’avenir, avec la certitude que celui-ci ne pouvait être construit sans la parfaite et lucide compréhension de l’histoire humaine, économique et sociale du pays, mais surtout qu’il était impossible de la réaliser sans la foi en Dieu, un Dieu Aimant, Créateur, Sauveur. C’est cette certitude qui lui indiquait de dessiner l’avenir agricole avec le respect de la Création et la connaissance scientifique des mystères de la vie.
Abel Granier est parti vers la Rencontre qu’il a attendue toute sa vie.
Il nous laisse un modèle et une œuvre à réaliser ; voici la fin de son livre qui relate son expérience et qui sera bientôt réédité :
« Il ne nous reste plus beaucoup de temps en Méditerranée particulièrement, en Afrique aussi, pour inverser le processus d’auto destruction mis en route certes par les populations elles-mêmes, mais dont la cause profonde vient d’une tragique erreur de conception de l’agriculture, erreur généralisée dans le monde entier :
les métiers de la terre ne sont pas des activités marginales de survie et de subsistance pour qui ne sait rien faire d’autre. Pour que la planète Terre ait un avenir, l’Agriculture doit être reconnue comme la science de la gestion de la Création de Dieu et d’un de Ses dons les plus précieux : la biodiversité des végétaux et leurs possibilités d’adaptation et d’évolution. »
En Tunisie, si les leçons de Bordj-Tell sont mises à l’épreuve et comprises, l’espoir de la richesse de l’antique Africa pourrait être de nouveau à portée de main.
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